Il est parfois compliqué pour un parent de parler de la sexualité avec ses enfants. Que dire ? Quoi aborder ? Comment le dire ? Un parent peut se sentir gêné dans la mise en mots de ce sujet délicat.
Il existe cependant une frontière très claire mais parfois difficilement entendable pour les parents entre ce qui peut se dire et ce qu’il est interdit de dire.
Les parents sont des éducateurs
Parler de sexualité avec ses enfants n’est jamais chose facile car ce sont des sujets qui vont susciter de la gêne et nécessiter de la délicatesse. L’âge et la maturité de l’enfant sont primordiaux dans ce qui va lui être transmis. Ainsi il est normal qu’un petit enfant s’interroge sur son origine, la manière dont il est venu au monde en côtoyant des mamans de copains au ventre rebondit et à qui il est répondu que dans ce ventre est « fabriqué » un enfant. Marcel Pagnol dans La gloire de mon père écrit : «… l’hypothèse audacieuse de mon voisin de classe qui prétendait que les enfants sortaient du nombril de leur mère. Un soir après un assez long examen de mon nombril, je constatai qu’il avait vraiment l’air d’une boutonnière, avec, au centre, une sorte de petit bouton ; j’en conclus qu’un déboutonnage était possible et que Mangiapan avait dit vrai. Cependant, je pensai aussitôt que les hommes n’ont pas d’enfants ; les enfants venaient sûrement de la mère, comme les chiens et les chats. Donc mon nombril ne prouvait rien. Je fis une importante découverte : depuis trois mois ma mère avait changé de forme et marchait le buste penché en arrière… Nous la retrouvâmes, souriante, mais pâle et sans forme, dans un grand lit. Auprès d’elle, une petite créature grimaçante. L’hypothèse de Magiapan me parut démontrée, et j’embrassai ma mère tendrement en songeant à ses souffrances au moment où il avait fallu déboutonner son nombril ».
Il est important que les enfants puissent comprendre par des mots simples ce qui se passe. Quand l’enfant est petit vers 3 ans, lui dire que papa et maman s’aiment et ont conçu un enfant en se faisant un gros câlin satisfait généralement sa curiosité.
Des livres ou des dessins animés comme Kirikou et la sorcière peuvent aider. Kirikou parle depuis le ventre de sa mère avant d’en sortir. L’accouchement est en quelque sorte montré.
Les explications pourront devenir plus réalistes avec l’âge à travers des livres adaptés et prenant en compte leur maturité et leur capacité à comprendre.
L’enfant va également tout naturellement s’interroger sur sa spécificité d’être un garçon ou une fille. Là encore, il est primordial pour son développement qu’il puisse comprendre avec une mise à son niveau des explications apportées par l’adulte de ce qui se passe, c’est ainsi que son identité pourra se structurer.
L’importance de la sexualité
La sexualité fait partie intégrante du développement de tout individu. Elle est essentielle à son épanouissement et pérennise l’espèce. De ce fait, il est important qu’elle soit valorisée. Or plusieurs obstacles font barrage à cette valorisation.
Le premier est que les enfants naturellement vont considérer la sexualité comme sale. Les baisers dans les films leur semblent dégoûtants. Il faudra du temps pour qu’une ouverture vers l’autre se fasse à travers le sentiment amoureux. La puberté va ensuite, grâce aux pulsions hormonales, rendre possible l’émergence de l’envie de connaître puis de partager son intimité avec un autre que soi.
Le deuxième est l’imprégnation judéo-chrétienne qui réprouve la sexualité en-dehors de la procréation. Nous sommes loin de la conception orientale…
Le dernier obstacle concerne plus les adolescent : l’information liée aux risques de la sexualité et la prévention des MST se mélange à la sphère intime des parents qui informent. Il est alors essentiel d’utiliser des termes, des métaphores, les plus neutres et respectueux possibles afin de ne pas choquer l’adolescent qui est toujours très pudique et sensible. Car automatiquement l’adolescent va projeter sur le couple de ses parents les explications qu’il reçoit. Il ne les verra plus comme étant seulement des parents mais comme un homme et une femme faisant l’amour. Freud parle de la scène primitive originaire, la scène impossible à fantasmer de sa conception, du rapport sexuel qui nous a donné la vie.
La ligne rouge à ne pas franchir : l’interdit sexuel
Parler de sexualité à nos enfants afin de les éduquer ne peut être une porte ouverte à des comportements ou a des mots qui vont les impacter gravement.
Voici quelques exemples de ce qui m’a été partagé lors de séances avec mes analysants.
Sexualiser son enfant
Parler à son adolescent de son corps est en soi une agression. L’adolescent est en pleine mutation, cette révolution interne se traduit par un repli sur lui et une grande pudeur. Ainsi, la ligne rouge est franchie par des parents qui font des remarques sur le corps de leur adolescente tels ces pères qui disent à leur fille : « montre moi tes seins, s’ils poussent », « tu as de belles fesses, tu deviens une femme », « je t’interdis de mettre un soutien-gorge à la plage, je veux voir tes seins ».
En mettant l’accent sur les changements physiques sexués comme les seins ou les fesses, ces parents sortent de leur statut de père et de mère bienveillants et neutres pour devenir dans les cas cités un homme actif sexuellement qui regarde sa fille comme une partenaire potentielle.
Questionner les enfants sur leur sexualité ou raconter sa propre sexualité
Un analysant m’a raconté que son père lui demandait s’il avait déjà couché avec sa copine et comment c’était. C’est la même chose quand une mère raconte par le détail ses pratiques sexuelles avec le père de l’enfant ou avec ses amants. Une jeune femme m’a partagée sa honte et sa gêne quand à 10 ans sa mère qui était très jalouse du lien privilégié qu’elle et son père entretenaient lui avait confié sous le sceau du secret que son père, et non pas son mari, la sodomisait régulièrement jusqu’au sang !
Conséquences sur l’enfant et l’adolescent : l’incestuel
L’incestuel se définit par un comportement qui est aussi grave que l’inceste du fait des conséquences qu’il génère mais qui contrairement à l’inceste ne suppose pas qu’il y ait un passage à l’acte physique. Ainsi, l’enfant ou l’adolescent n’est plus en face d’un éducateur-parent bienveillant car neutre mais en face d’un parent qui lui raconte sa vie sexuelle et qui fait naître en lui du dégoût, de la honte, de la colère et parfois aussi une forme d’excitation liée justement au franchissement de cette ligne rouge. L’incestuel aura les mêmes conséquences que l’inceste et impactera la vie sexuelle de la personne concernée.
Et si les parents ne parlaient pas de sexualité à leur enfant ?
La place prise par l’ombre
Ne pas aborder ce sujet revient à instaurer un tabou relativement à la sexualité. Ne pas mettre de mots sur un sujet questionnant laisse la place à l’ombre. L’enfant, l’ado va alors s’imaginer des choses souvent horribles car s’il y a du silence, c’est que ça ne peut qu’être terrible, sale. Les ados seront alors souvent inhibés, coincés et auront beaucoup de mal à aller vers l’autre. L’autre représentant un danger avec cette menace de l’acte sexuel non mis en mots. Maupassant dans Une vie met en lumière la naïveté de Jeanne, la jeune femme personnage principal du roman à qui il a été caché comment on fait des enfants, et qui est littéralement violée lors de sa nuit de noce par son époux.
La cassure du lien parent-enfant
Ne pas parler avec ses enfants de la sexualité leur révèle implicitement le rapport compliqué qu’entretiennent leurs parents avec la sexualité. Un ensemble de craintes, de tabous empêchent ces parents d’en parler avec leurs enfants. La sexualité est mal vécue, sans doute diabolisée. Malheureusement, cette absence de communication risque, au niveau transgénérationnel, de créer des fantômes familiaux, en d’autres termes, des enfants qui adultes vivront une sexualité compliquée.
En conclusion le bon positionnement consiste à donner des explications adaptées à l’âge de l’enfant tout en restant abstrait et neutre sans impliquer la sexualité des uns et des autres.
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Je vous invite à lire mes autres articles sur des sujets proches
Ces sujets sont aussi abordés dans mon livre La psy qui guérit.